mardi 15 décembre 2015

Escapade autour du Kanchenjunga... 1er 8000

J'arrive à Katmandou, au Népal, le 11 octobre, au tout début de la haute saison, pour y passer au moins trois mois, consacrés dans un premier temps aux grandes randonnées.


Le Népal s'étend sur 800km d'ouest en est et sur 200km du nord au sud. Les paysages y sont extrêmement variés ; du sud au nord, on distingue, sur toute la longueur du pays, trois bandes très distinctes :

  - Le Téraï, région plate et de basse altitude (moins de 500m), continuité directe de la plaine indienne.

  - La région des collines, comprise en 500m et 3500m environ.
  - La région de la haute montagne (l'Himalaya), située entre 3500 et 8850m.

Sur moins de 200km, on passe ainsi d'un climat tropical (latitude de 26°) à un climat de haute montagne (les plus hautes du monde).
Cela a un impact direct sur l'Himalaya népalais qui s'avère extrêmement différent du Ladakh : la montagne népalaise subit en effet la mousson de juin à septembre (à l'exception de deux régions). Celle-ci est donc très verte en-dessous de 3500m (ressemblant même à une jungle autour de 1500m) et possède des glaciers gigantesques, alimentés par les chutes de neige et maintenus par l'altitude, au-dessus de 6000m.
L'été, il est donc difficile de randonner à cause de la pluie et des nuages. L'hiver, malgré la latitude tropicale, il fait trop froid en haute montagne et les chutes de neige, même rares, rendent la montagne difficilement praticable. Les deux périodes de randonnée (à haute altitude) se situent donc aux intersaisons : octobre à mi-décembre et avril à mai.

Le Népal comporte par ailleurs 8 des 14 sommets du monde culminant à plus de 8000m :
  - Everest, 8850m (frontalier avec le Tibet)
  - Kanchenjunga, 8586m (frontalier avec l'Inde)
  - Lhotse, 8516m (frontalier avec le Tibet)
  - Makalu, 8475m (frontalier avec le Tibet)
  - Cho Oyu, 8201m (frontalier avec le Tibet)
  - Dhaulagiri, 8167m
  - Manaslu, 8163m
  - Annapurna, 8091m

A ceux-ci, pour compléter la liste, il faut ajouter :
  - K2, Tibet-Pakistan, 8611m
  - Nanga Parbat, Pakistan, 8126m
  - Gasherbrum I, Tibet-Pakistan, 8068m
  - Broad Peak, Tibet-Pakistan, 8047m
  - Gasherbrum II, Tibet-Pakistan, 8035m
  - Shishapangma, Tibet, 8027m

Pour plus d'informations sur tous ces sommets :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sommets_de_plus_de_huit_mille_m%C3%A8tres

Katmandou, la capitale, se situe au milieu du pays, dans les collines, à 1400m d'altitude.

Pendant cet automne, en trois longues randonnées, je verrai tous les sommets de plus de 8000m du Népal, ainsi que le Shishapangma, au Tibet mais tout proche.

Pour débuter cette longue période népalaise, je pars pour la région du Kanchenjunga, à l'extrême est du pays, à proximité de la frontière indienne bordant le Sikkim. Nous partons de la petite ville de Taplejung.

Randonner dans la plupart des régions népalaises requiert de passer par une agence et un guide, ce qui n'est évidemment pas pour me plaire...
Je rencontre néanmoins un directeur d'agence formidable (français expatrié au Népal), et un guide non moins exceptionnel.

C'est parti pour le Kanchenjunga.


Comme je l'expliquais, la randonnée commence à très basse altitude (1500m), sous une chaleur accablante, au milieu de la jungle et des rizières. Il est bien loin le Ladakh !

Rizières vers Taplejung

Les bananiers nous accompagnent.

Hameau au-dessus de Taplejung

Hameau au-dessus de Taplejung

Mon guide s'appelle Suresh. Il est originaire du Solokhumbu (basse région de l'Everest), habite Katmandou et nous découvrirons le Kanchenjunga ensemble. Personnage charismatique, drôle et joyeux, j'apprendrai énormément en sa compagnie.

Je vous présente Suresh

En s'élevant un peu, on quitte doucement la jungle de la basse vallée. Ici vers 2500m.


Une des nombreuses pierres, où est peint un mantra (formule mystique, boudhique). Om mani padme hum, la plus célèbre, se retrouve des dizaines de fois sur chaque sentier de montagne. Pour en savoir plus sur ce mantra :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Om_mani_padme_hum

Om mani padme hum

Petit mot météo. Dans la région du Kanchenjunga, durant la saison sèche, la météo est quasiment identique tous les jours : le ciel est limpide et les matinées parfaitement ensoleillées puis les nuages arrivent par les basses vallées formant une couverture nuageuse quasi systématique en-dessous de 3500m dès la mi-journée. En haute montagne, le temps reste souvent dégagé, même l'après-midi. Au coucher du soleil, les nuages disparaissent et les nuits sont toujours claires.
Ce schéma est globalement répété dans la plupart des région himalayennes du Népal soumises à la mousson.

Ghunsa, 3500m

A Ghunsa, vers 3500m, les premiers grands glaciers commencent à faire leur apparition.

Sommets, quand les nuages se tassent, en fin d'après-midi

Dans ce petit village, je rencontre deux alaskiennes (de Juneau), passionnées et très connaisseuses de leur pays. Nous aurons de belles discussions sur l'état arctique. Souvenir d'un bel l'été pour ma part...
Un peu comme moi, elles sont un peu gênées par les pratiques népalaises (contrairement au mien, leur guide n'a pas l'air d'être le meilleur du monde !) qui tranchent radicalement avec la liberté et l'esprit d'aventure qu'elles connaissent chez elles.

Mes deux alaskiennes de l'Himalaya

Ghunsa marque l'entrée dans la haute vallée du Kanchenjunga.


Petit village de Kambachen (4100m), dans l'ombre

De doux glaciers marquent, au fond de la vallée, la frontière tibétaine


Sur le chemin, entre Kambachen et Lhonak

La bergerie de Lonak à 4780m, à quelques heures de marche du camp de base nord du Kanchenjunga abrite un paysage lunaire et sauvage.
En voici quelques clichés.

La vallée au nord de Lhonak, source d'idées d'expéditions sauvages

Au-dessus de Lhonak, la Barre des Ecrins népalaise, à près de 7000m.

Barre des Ecrins népalaise

Lhonak et la Barre.

Le sable fin (en fait un lac asséché) de Lhonak

Tous les soirs, la danse des nuages

La danse des nuages

La danse des nuages

Et le ciel limpide du matin (ambiance froide...)

Lumière du matin à Lhonak

Toujours depuis Lhonak, nous gravissons un petit sommet sans nom à 5600m afin de contempler le paysage d'un peu plus haut.

En direction du nord et du Tibet tout proche

Glacier au nord-est

Au nord à nouveau

Plein ouest, vers le "bas" de la vallée. On voit le grand glacier du Kanchenjunga.

Vers le haut de la vallée. Le Kanchenjunga, sous le nuage, est encore caché

A notre retour à Lhonak, se déroule un match de volleyball. Un match au sommet en quelque sorte.

Volleyball à près de 5000m

Entre Lhonak et Pangpema, le camp de base nord du Kanchenjunga, le haut sommet tant attendu se fait encore désirer (il se cache au fond à droite).

A la recherche du Kanchenjunga

Vue de Pangpema, le camp de base nord du Kanchenjunga

Nous passons la nuit à Pangpema (5100m), sous la tente, afin de gravir le lendemain, un sommet sans nom à 5900m faisant face au Kanchenjunga.
La nuit est fraîche (-12°C) mais on dort bien !

Dans la cabane de Pangpema, nous préparons notre souper avec Suresh.

L'ascension débute au lever du soleil, sous un festival de couleurs.

Parure bleue-violacée

Au petit matin, apparait le Kanchenjunga, 8586m, 3e plus haut sommet du monde et son immensissime face nord de plus de 3000m, qu'on contemple ici à la perfection.
Le sommet principal est celui situé au centre, légèrement soufflé par le vent. Le sommet plein centre est le Yalung Kang (8505m).
Saisissant.

Kanchenjunga, 8586m.

Parure bleue profond et ombres, maintenant au programme.

"Petits" glaciers très crevassés au-dessus de nous

Toujours le Kanchenjunga, le jour avançant. Ca se ski non ?

Bleu-Blanc-Gris. Beauté pure.

Suresh et moi sommes bien acclimatés et en forme. Nous gravissons les 800m de dénivelé en 2h30 pour arriver au sommet, 5900m, vers 8h30.

Suresh, tranquille au sommet. Derrière, vous l'avez reconnu (non ?!), le Kanchenjunga.

La pyramide du Makalu, 8475m, sublime, majestueuse, nous accompagne tout au loin de notre périple sur les hauteurs.
C'est le 5e plus haut sommet du monde. Nous sommes bien entourés aujourd'hui.

Makalu, pyramide blanche au centre, au loin.

Dernier regard sur le Kanchenjunga, sous le ciel limpide de la mi-journée.

Nous redescendons tranquillement à Lhonak dans l'après-midi.

Brumes d'après-midi

Brumes d'après-midi

Quelques jours plus tard, nous traversons le Selele La (4290m) et deux autres petits cols, pour basculer versant sud du massif.
Voici quelques clichés du passage.

Drapeaux à prières, au Selele La. Au fond, le sommet mythique de Jannu (7710m)

Côté sud, avec vue sur la chaîne du Kabru, 7338m

Au fond, Kabru, superbe. Le Kanchenjunga est caché, à gauche.

Petit lac d'altitude

Multiples couleurs sous le Kabru.

Depuis cette vallée sud, nous montons au camp de base sud du Kanchenjunga, qui est le départ de sa voie normale d'ascension.

Peu avant le camp de base

Nous voici au camp de base sud du Kanchenjunga.
"Kanchenjunga" signifie "Les cinq trésors de la grande neige". 
Depuis sa première ascension en 1955, seuls 243 alpinistes ont atteint son sommet, alors que durant la même période plus de 4 500 réussissaient l'Everest. Cela en fait le deuxième sommet de 8000m le moins réussi, après l'Annapurna.


Oktang, camp de base sud du Kanchenjunga. On ne voit pas le sommet, j'ai supprimé la bonne photo...

De retour à la bergerie de Ramche (4730m) en début d'après midi, nous passons la fin de la journée à déguster du sukuti (viande séchée de yak, épicée) en compagnie de l'hôte des lieux.
Cette préparation de la viande de yak est délicieuse, j'en mange dès que cela est possible !


Le propriétaire de Ramche en action.

"Sukuti" (viande de yak séchée). Excellent !!

Puis, bien rassasiés, nous admirons, comme tous les jours, la montagne et la nature jouer leur symphonie.

Habituelles brumes d'après-midi à Ramche

La lune, la montagne, la nuit.

Et au petit matin suivant, il fait un temps inhabituellement gris. Qu'importe, nous descendons maintenant et c'est l'occasion de superbes couleurs.
Ce jour-là, il neigera, un peu, vers midi.

Ce matin, le soleil perd la partie

Juste en dessous de Ramche, un berger entouré d'une centaine de yaks nous vendra un peu de lait, tout frais, tout bon.

Pouf pouf yak

Dégustation de lait avec le berger

Nous perdons très rapidement de l'altitude pour nous retrouver dans la zone des forêts de mousse et de rhododendrons.

Suresh au milieu des mousses.

Rhododendrons

Forêt du Kanchenjunga

On retrouve les torrents entourés de jungle

Et viennent ensuite les basses vallées, toutes en rondeurs, avec leur abondante végétation.

Sortie de la haute montagne

Perdus dans leur dense forêt, les villages du bas-Kanchenjunga sont sublimes, faits de maisons traditionnelles, entourées de jardins luxuriants.




On retrouve les jeux favoris des népalais, ici le "culbuto".

Suresh, intraitable au culbuto.

Paysage typique des forêts du Kanchenjunga

Retour des rizières, en-dessous de 2000m

Magnifiques paysages de rizière


Nous sommes parfois accueillis de manière fabuleuse par nos hôtes. Cette famille, habitant de dernier village relié à la route, nous préparera nombres plats (Dal-Bhat, sukuti, alcool local, crêpes le matin...) dans une humeur chaleureuse.

La petite famille

La randonnée se termine à Taplejung, deux jours avant la date prévue. Nous profitons donc de ces deux journées pour aller visiter, bien plus au sud, la région d'Ilam, célèbre pour ces plantations de thé.

Plantations de thé et bananiers, vers Ilam

Une employée des entreprises de récolte du thé. Une situation difficile.

C'est terminé pour cette première escapade népalaise, pleine de nouveautés !

Je retourne en avion à Katmandou où Mathilde me rejoint le lendemain pour la seconde grande randonnée népalaise, dans le Khumbu, la région de l'Everest.


Aparté : Randonner avec un guide

Randonner avec guide, l'idée me déplaisait fortement au départ, mais je reconnais que Suresh, d'une part une formidable personne, m'a permis de communiquer en profondeur avec les habitants, qui pour la plupart ne parlent pas anglais.
Il reste aussi tout à fait possible d'organiser des randonnées très originales et personnelles, même guidées. Ca peut coûter un peu cher mais les agences sont à l'écoute et savent s'adapter.
C'est donc une autre approche de la montagne, dans laquelle il ne faut pas se complaire (l'esprit d'aventure est nettement moindre au Népal que dans beaucoup d'autres montagnes à cause de ces réglementations), mais qui a aussi ses côtés positifs : Les montagnes népalaises sont en effet assez peuplées, elles sont joyeuses, et les parcourir avec des locaux peut leur donner encore un supplément de charme.

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