lundi 7 mars 2016

Les montagnes du nord-est de l'Inde : Assam, Arunachal Pradesh, Nagaland



Du 18 janvier au 29 février 2016

Nous sommes mi-janvier et l'hiver est installé sur l'Himalaya. Pour rester dans les montagnes, je pars pour un périple dans la partie la plus au sud de la chaîne, à l'extrême nord-est de l'Inde. J'y passerai une quarantaine de jours.

Cette région regroupe six états : Assam, Arunachal Pradesh, Nagaland, Meghalaya, Manipur et Mizoram.
L'état d'Assam abrite l'immense vallée du Brahmapoutre, tandis que les cinq autres se composent des montagnes qui l'entourent, l'Arunachal Pradesh au nord et les quatre autres au sud.

Un nombre incalculable d'ethnies (modernisées) habitent ces régions. Monpa, Konyak, Mishi, Lisu... A chaque village, on change de culture, de langue, de religion.
La langue principale de la région est l'Assami, parlée dans la vallée du Brahmapoutre et dans certaines régions de montagne.
Au fil de mon itinéraire, je croiserai, à part égale, trois grandes religions, : hindouisme, bouddhisme, christianisme.
On y perd un peu son latin (les indiens aussi d'ailleurs...)

Cette partie du voyage restera la plus classique de l'année, itinérante, en train et en bus. Ce n'était pas le choix initial, mais l'hiver, les permis, l'absence de cartes, les denses forêts qui couvrent ces régions, ainsi que la modernisation indienne galopante m'ont rendu ma chère randonnée au long cours bien difficile !


0) Assam - Guwahati

Tout voyage dans le nord-est indien commence à Guwahati, sa porte d'entrée, 1,5 million d'habitants, plutôt pas désagréable.

J'y arrive après une traversée express de la plaine du Gange depuis le Népal, en 27 heures de train (très confortable au demeurant) et un court (mais déjà trop long) passage dans l'atroce ville de Lucknow, sale, surpeuplée de gens stressés (comme on les comprend) et sous une bruine et un froid dignes des pires journées d'hiver à Amsterdam.

Guwahati donne presque l'impression d'un village à côté. Les festivités vont pouvoir commencer.

Découverte du Brahmapoutre à Guwahati, sous le soleil évidemment.

1) Arunachal Pradesh - Tawang

Plein de motivation, je débute le voyage à Tawang, village perché à 3000m, atteint au bout d'une interminable journée de jeep. Tawang se situe aux confins de l'Inde, à quelques kilomètres des frontières du Bhoutan et du Tibet.

De belles randonnées sont possibles dans la région.
Mais même en ce sud-Himalayen, il fait très froid ; d'autant plus que la météo s'avère finalement nettement moins clémente qu'au Népal, le soleil ne faisant que de rares apparitions dans la journée. Il neige de temps en temps. Il y a de glace dans les rues... Je change donc mon programme pour me promener tranquillement aux alentours de la petite ville.

Tawang abrite par ailleurs l'un des plus importants monastères bouddhistes de l'Himalaya et c'est ici que le Dalaï Lama a commencé son exil, en 1959, suite à l'invasion du Tibet par la Chine.

Le monastère de Tawang

Le monastère de Tawang

Entrée du monastère

Je rencontre un couple très sympathique, Siria et Dawa, qui m'invitent de nombreuses fois à diner chez eux. Dawa est un ancien moine bouddhiste et m'apprendra beaucoup sur le sujet.

Siria et Dawa

Ils me présentent les habits traditionnels des Monpa, les habitants de la vallée de Tawang. Ils sont confectionnés par un couturier local. Ces habits ne sont maintenant plus utilisés que lors des festivals.


En habits Monpa

Le Bouddha dans la salle de prières de Tawang

Visage du Bouddha

Je profite de la tempête de neige du séjour pour redescendre dans la vallée du Brahmapoutre. L'occasion de tester les chaînes indiennes (ou les cordes...) pour passer le col du Se La à 4100m. Neige, brouillard, trajet épique...
Pas de regret pour la rando !

Il est (grand) temps de chaîner

Je retrouve la vallée du Brahmapoutre, à Tezpur, où le soleil est éclatant et le temps chaud. On va changer de stratégie pour la suite...

2) Arunachal Pradesh - Namdapha :

Je laisse donc tomber mes prétentions de randonnée à plus de 4000m... Et me dirige vers l'est de l'état, dans les immenses jungles qui bordent la Birmanie. Ici se trouve le Parc National de Namdapha. Il doit son nom à la Namdapha, la rivière qui le traverse.
Les vallées sont à 500m et les sommets grimpent jusqu'à 4500m mais l'essentiel de la forêt se trouve en-dessous de 2000m... De quoi rester bien au chaud.
Toute la région est chrétienne.

Le village de Miao, porte d'entrée du parc

Le temps de réaliser les traditionnels permis, je reste deux jours dans le village de Miao. Lecture, course à pieds, ballades, discussions avec les locaux...

Fariente au bord de la rivière, à Miao.

Je goûte ici pour la première fois la spécialité des états du nord-est : le porc mijoté dans du bambou. Le meilleur plat que j'ai mangé jusqu'ici !! J'en gouterai régulièrement durant mon passage. Epicé à point et souvent servi dans une grande feuille...

Porc mijoté dans du bambou


Avant d'entamer ma petite randonnée, je passe une journée à Deban, superbe village au bord de la jungle.

Quasiment toutes les maisons sont construites sur pilotis afin de résister à la mousson de l'été, qui est particulièrement intense. Les montagnes de la vallée du Brahmapoutre sont en effet les régions du monde qui reçoivent le plus de précipitations, dont 80% surviennent en été.
Des clôtures entourent l'ensemble des habitations (c'est le cas dans tout le nord-est indien), c'est la première fois que je vois ce type de séparation dans des villages d'Asie.

Maison à Deban

La superbe allée principale de Deban

Deban

La randonnée peut commencer, avec un guide du parc et deux porteurs. Quatre petites journées au programme.
La forêt est un univers que je ne connais pas, ça me changera des cailloux, des lacs et de la neige...

C'est parti pour le festival du "vert".

On rentre tout doucement dans la jungle.

Les plus grands arbres ont un diamètre d'environ 3m et mesurent jusqu'à 80m de hauteur.

Arbre

Tressage #1

Arbre

Tressage #2

Lumière...

Mon guide à la machette !

Racines

Feuille nette, forêt floue...

En suspension

Ces forêts sont l'habitat de nombreux gibbons et du calao, que l'on reconnait au bruit intense de ses battements d'ailes qui donne sa petite musique à la forêt.


Un calao (la photo n'est pas de moi)

La belle forêt #1

Tout petit geyser

Feuille

La belle forêt #2

Toute l'équipe

Dans la large vallée de la Namdapha, on quitte un moment l'omniprésent vert pour le gris, les cailloux et le brouillard, tous les matins présent dans ces vallées, avant que le soleil ne gagne finalement la partie.

Tout gris

De nombreux ponts temporaires sont construits sur les rivières. Ils ne sont là que pendant l'hiver. Dès la fin du mois de mars, à la première grosse pluie, ils seront pulvérisés !


Pont temporaire

Il y a aussi des villages dans cette jungle. Par chance, nous arrivons dans l'un d'eux, Embeong, le jour où un mariage est célébré. Guide et porteurs connaissent les habitants et nous sommes conviés à partager cette journée.

Sortie de l'église.

Les mariés, la témoin.

Et bien sûr, on mange du porc au bambou !! Trop bon !!

A table, en toute simplicité !

Tous bien assis

Tout comme Deban, ce village est d'une grande beauté.

Maison de Embeong

Guacamole

Sur le chemin du retour, quelques vues plus aériennes s'offrent à nous.

La rivière Dehing, qui coule paisiblement au milieu de la jungle.

3) Arunachal Pradesh - Wakro et le Glow Lake

Je rejoins ensuite le village de Wakro, à pieds. Wakro est en lisière de la jungle. De là, je prévois de randonner vers le Glow Lake, au coeur d'une forêt similaire à celle de Namdapha, en deux jours.

Il n'y a malheureusement aucune photo de cette "expédition" :

   - Le garde forestier m'avait bien dit qu'il n'y avait qu'un seul chemin jusqu'au lac, qui s'atteint en cinq à six heures. Ce qui est parfaitement exact... pendant quatre heures, jusqu'à un carrefour à quatre chemins...
   - Il a (bien) plu deux jours sans discontinuer...
   - Bref, je n'ai jamais trouvé le lac...

L'échec ;-)

Je quitte l'Arunachal Pradesh

4) Nagaland - Vallé de Dzukou

Je quitte l'Arunachal Pradesh et me dirige vers le Nagaland voisin, état situé au sud du Brahmapoutre et principalement constitué de collines verdoyantes entre 1000m et 3000m. Nous ne sommes plus à proprement parler dans l'Himalaya dans cet état.
L'ensemble de l'état est chrétien. On y trouve, dans le moindre village, d'énormes églises en béton, finalement non dénuées de charme.

Eglise de Phek

A proximité de Kohima, la capitale du Nagaland, se trouve la verte vallée de Dzukou, à 2500m, d'une beauté sublime et de laquelle émane une rare sérénité.

Les grandes herbes et les petits arbustes, assez souples, qui recouvrent le sol, donnent cette impression de tapis que je n'avais jamais vu ailleurs auparavant.
Les habitants utilisent ces herbes pour en faire des balais !

J'y passerai deux jours, seul, paisible.


Cette randonnée marque aussi le retour assez net d'un temps bien chaud, même en altitude : le retour de l'été, le 15 février.

L'immense beauté de la petite vallée de Dzukou

...

Formes et textures nouvelles

Lors d'une promenade le long d'un ruisseau, je découvre le plus beau cairn jamais réalisé sur cette Terre. Dzukou inspire...

Un pied vers le paradis

Brumes matinales sur la vallée de Dzukou

5) Assam - L'île de Majuli

Pour terminer ce périple indien, je passe une dernière semaine dans l'état d'Assam, au bord du gigantesque Brahmapoutre.

Il fait 30°C la journée, sous un ciel imperturbable.


Je venais dans ce nord-est pour les montagnes de l'Arunachal Pradesh et du Nagaland, mais c'est finalement cette plaine du Brahmapoutre qui me laissera la plus belle image, par sa beauté, sa diversité, son climat sensationnel. Un bonheur de vivre.


En saison sèche, le Brahmapoutre est un gros paresseux qui s'écoule au milieu de bancs de sables gigantesques.

L'ile de Majuli, qui s'étend sur 400km2, au beau milieu du fleuve, est le plus grand de ces bancs de sables et est recouverte en grande partie durant la mousson. De nombreux villages se trouvent sur cette ile.
L'ile abrite les uniques monastères hindous d'Inde, appelés les satras.

Traversée du Brahmapoutre, vers l'île de Majuli

Chef d'oeuvre de pont tressé

Pont de bambou

Dans la petite auberge du village, je rencontre Ana et Magali, qui travaillent à l'école française de Delhi. Nous passerons deux très belles journées ensemble, à explorer l'ile à vélo, ses satras, à discuter de la vie à Delhi et au Groenland, à parler de méditation.

Ana et Magali

Des artistes d'un satra confectionnent des masques d'une grande beauté, représentant les dieux et démons du Mahabharata, le livre sacré de l'hindouisme. Ces masques sont utilisés lors des festivals hindous.

Les masques fameux de Majuli.

Confection de la tenue des hommes de Majuli

Champs à Majuli

Un bras du Brahmapoutre

Les maisons traditionnelles sont en bambous, sur pilotis (obligatoire ici !!), et très aérées dans ce chaud climat assamais.

Des habitants nous invitent, Magali et moi, à prendre un thé.

L'heure du thé

Je quitte la douceur de l'ile après une dernière promenade, en fin d'après-midi, sous de lumineuses couleurs.

Filet de pêche, sa barque, son reflet.

5) Assam - Parc National du Kaziranga

Je consacre ma dernière journée indienne à la visite du Parc du Kaziranga, proche de Majuli et joyau de la vallée du Brahmapoutre.

Il abrite la plus grande population de rhinocéros unicornes au monde, ainsi que des éléphants, des buffles et des cerfs, des tigres, de nombreux oiseaux... Et bien sûr, tout ce beau monde (à part les oiseaux...) broute l'herbe d'une prairie étincelante.

La prairie du Kaziranga

Buffles

Rhinocéros unicorne

Gros rhino

Il y a tellement de rhinos au Kaziranga,... c'est comme les vaches en Bourgogne.

Ils sont trop mignons

A part quelques tigres, il y a peu de prédateurs au Kaziganra. L'ambiance est nettement plus paisible que dans les parcs africains.

Des animaux... partout.

Ce mois et demi passé dans ces états aura eu une teinte un peu étrange. J'y ai passé un voyage classique, très découpé, allant d'un endroit à un autre en bus, ne me fixant finalement qu'une seule fois, pendant quinze jours, autour du parc de Namdapha. Pas vraiment le mode de voyage que je privilégie habituellement.

A posteriori, je pense que le meilleur moyen d'explorer ces états, notamment le Nagaland, c'est le déplacement à vélo. La randonnée à pieds est en effet peu adaptée car, contrairement au Népal, le réseau routier est assez développé et ne donne pas vraiment de charme au déplacement pédestre. Les routes, petites et belles, se prêtent en revanche bien au vélo.

L'Arunachal Pradesh comporte en revanche de beaux itinéraires de randonnée à pieds, mais il faut y aller à l'automne, pour y être plus au chaud.

Ce fut donc un premier voyage un peu bancal dans ces régions pleines de forêts, mais aussi évidemment instructif : l'Arunachal Pradesh et le Nagaland sont des régions très peu touristiques (trois touristes croisés en un mois), et si l'ennui peut parfois guetter (Kohima, Phek...), on y est forcément bien immergé : ces états du nord-est sont l'occasion de visiter un Himalaya original, vert, très varié dans ses cultures et ses religions et au climat bien plus humide et capricieux qu'ailleurs.L'occasion de comprendre aussi que les villages indiens, même les plus reculés, n'ont plus le charme désuet de leurs voisins népalais. Le développement a fait (et continue de faire) son oeuvre ici, pour le meilleur et pour le pire...

L'occasion de découvrir aussi deux coins de paradis : l'île de Majuli et la vallée de Dzukou, qui resteront, avec le lac Rara et le plateau de Khaptad, au panthéon de mes "petits endroits" de l'année. Des bijoux hors du temps.

Et avant de retourner au Népal, à la montagne, il faut poser un dernier regard vers la vaste plaine du Kaziranga...

Kaziranga

... Et quelques mètres plus haut, vers le ciel bleu azur de l'Assam : le printemps est revenu sur l'Himalaya.

15 février, le printemps !

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