samedi 29 août 2015

L'île de Kodiak

  
Après la grande randonnée de l'Alatna et quelques jours de repos bien mérités à siroter quelques bières à Fairbanks autour de feux de camp quotidiens dans l'éternelle auberge de Sven, le temps est venu de repartir pour une dernière petite aventure.

La météo s'annonce belle dans le sud... Allons donc dans le sud, sur l'île de Kodiak (300km au sud d'Anchorage), qui héberge les plus gros ours du monde.
L'île s'étale sur environ 100km et compte une seule ville (Kodiak) de 13000 habitants ainsi que 5 villages isolés. A part cela, des montagnes, des fjords, des ours et des gros poissons.

J'y ferai une randonnée de 4 jours à travers des paysages qui ont une ressemblance marquée avec ceux des îles Lofoten, en Norvège.
Celle-ci s'avèrera ardue, car la végétation au niveau de la mer est très dense. Quelques beaux paysages malgré tout, sous un soleil omniprésent.

Des montagnes, l'océan, du soleil...

Petite sieste sur la crête

Une fois redescendu dans la vallée, au pays des ours.

Le delta de la rivière juste avant l'océan

La randonné se termine au village Alutiiq de Old Harbour, 200 habitants, dans lequel je resterai deux jours.
L'accueil ne sera pas celui de Allakaket, les gens étant ici assez peu intéressés pas ma présence (à raison ;-). J'y passe néanmoins du bon temps, au bord du fjord, à lire ou à me promener aux alentours.

L'église orthodoxe de Old Harbour.
Il est aussi intéressant de visiter un second village "native", après celui de Allakaket, similaire par les habitants, mais dans un environnement totalement opposé (montagne / mer, nord / sud).
J'aime de plus en plus ces villages isolés, uniquement reliés par petit avion (ou bateau). On y a quasiment quitté les Etats-Unis pour un autre monde, on y est avec des gens en harmonie avec leur environnement naturel (tous chasseurs à Allakaket, tous pêcheurs ici). Ils sont partie prenante des paysages que nous admirons autour.

Le village de Old Harbour (même si certains indices laissent penser que c'est Hollywood).
Le deuxième soir, Wilem, un habitant de Old Harbour, m'invite à manger chez lui. Nous discutons, regardons la télévision. Bon moment de partage.

Wilem, chez lui.

Le soir, au bord du fjord de Old Harbour.
Je retourne ensuite à Kodiak (ville) par le petit avion et y passe deux jours à me promener. Kodiak est le deuxième plus gros port de pêche des Etats-Unis, les saumons sautent partout, c'est le paradis des pêcheurs. La ville est par ailleurs fort charmante.

Tous les soirs, les habitants vont au bord des petites rivières environnant la ville pour pêcher les saumons qui les remontent par centaines en été.
Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls : les deux soirs où j'irai observer la pêche, deux ours pêcheront eux-aussi (15 gros saumons pour leur repas...), à 100m de nous, pendant 1h, en parfaite harmonie. Superbe de les observer ainsi, la nature est aux portes de la ville.

Les pêcheurs, à deux pas de Kodiak, à côté des ours (pas sur la photo...).

Ces mêmes pêcheurs, en bord de mer.

L'aventure en Alaska se termine donc par cette petite escapade à Kodiak et quelques jours jours tranquilles à Anchorage où je retrouve pour un temps mes activités maison (cinéma, lecture, course à pieds), ce qui est fort agréable.

Mise à part la petite déception vécue dans le Kenai au début, ces 75 jours m'auront permis de retourner dans "mes" Brooks, dans le nord, avec du temps, pour y vivre une belle aventure d'un mois et visiter une autre partie de ce si beau massif.
J'y ai aussi découvert le sud de l'état, Kodiak donc, mais aussi d'autres lieux imaginés au fil des cartes, qui seront à explorer lors d'un prochain voyage : Katmai, les îles aléoutiennes, le parc national de Wrangell St Elias.
Et la randonnée au Denali, si belle, avec la sympathique compagnie de Camille.

Il me reste beaucoup à découvrir en Alaska, et y retourner donne à chaque fois l'envie de creuser un petit peu plus. Ce que je n'avais pas senti lors de mon précédent voyage, c'est l'importance (et le bonheur !) de mieux connaitre les populations "natives", leurs villages isolés si magnifiques et leur culture toujours si forte aujourd'hui. Car aimer le paysage alaskien passe aussi par aimer ceux qui l'habitent si profondément. Un futur voyage dédié à ces rencontres commence déjà à germer.

Mais nous n'en sommes pas encore là. En cette fin août, le ciel a retrouvé ses étoiles, les nuits deviennent fraîches,... L'été s'éteint doucement. Demain, je dirai By-bye à l'Alaska (mais à très bientôt...) !

Drapeau de l'Alaska
Un petit passage à Paris pour quelques jours...


Et le voyage continue... Plus à l'est, plus haut, bien plus haut, pour 9 mois. 
Il commencera au Ladakh, en Inde. Namaste Himalaya !


dimanche 16 août 2015

Un mois de promenade au fil de l'Alatna River

L'aventure se déroule dans les Brooks Range, les montagnes les plus au nord de l'Alaska. Ces montagnes sont entièrement protégées par plusieurs réserves et parcs nationaux dont Gates of the Arctic, où je serai. Celui-ci est le second plus grand parc national des Etats-Unis. A titre de comparaison, sa superficie avoisine celle de la Belgique.


Le parc abrite des vallées et rivières exceptionnelles. Aucune vallée de ces dimensions n'existent dans les Alpes (ou si elles existent, des autoroutes les parcourent maintenant...).
Les montagnes n'y sont pas particulièrement élevées, le point culminant étant à 2700m et les vallées principales à une altitude de 500m environ. Mais le parc étant entièrement situé au nord du cercle polaire, l'ambiance alpine y est néanmoins très présente. On n'y trouve que peu de glaciers, et ceux-ci sont de petite taille.
La forêt est présente jusqu'à 700m environ ; au-dessus, on trouvera la toundra arctique.


Le parc n'a quasiment aucun d'accès par la route et on s'y rend principalement en avion de brousse. L'aventure y est douce et profondément intérieure. On y est perdu au milieu de nul part, on ne peut pas y accéder par la route, il n'y a personne.



Il y a deux ans, j'avais navigué sur la Koyukuk River. Cette fois-ci, c'est l'Alatna River que je suivrai, de sa source, jusqu'à ce qu'elle se jète dans la Koyukuk River. L'Alatna est longue de 230km et traverse toute la chaîne. Le voyage aura cinq temps :
  - La randonnée aux sources de l'Alatna
  - La descente de la première partie de l'Alatna
  - La randonnée autour des Arrigetch Peaks
  - La descente de la seconde partie de l'Alatna
  - L'arrivée au village d'Allakaket


Le départ

L'histoire commence par un vol de Fairbanks à Bettles (petits avions de 6 places), un village d'une cinquantaine d'habitants non relié à la route.
Là-bas se trouve le quartier général du parc national dans lequel je peux récupérer ma boîte à ours géante spécialement dédiée au canoë.

La maison des boites à ours, à Bettles.

A Bettles se trouve aussi la petite compagnie (Brooks Range Aviation) qui transporte les gens dans le parc en avion. Ils disposent d'une vingtaine d'avions et hydravions de 2 à 4 places.

L'adorable Judy, patrone de Brooks Range Aviation à droite. A gauche, son équipe pour cet été.

Bref, c'est à Bettles qu'une aventure dans les Gates of the Arctic commence (presque) toujours !

"Mon" hydravion, garé sur un lac à Bettles !

Il faut une heure de vol inoubliable au-dessus des montagnes pour "amerrir" sur le Gaedeke lake, la source de l'Alatna River, à 900m d'altitude.

Survol des rivières dans la plaine au sud du parc (ici la John River)

Amerrissage imminent.

L'avion repart, Me voilà seul au monde... Pour un mois.

Randonnée aux sources de l'Alatna

Je laisse le canoë et la grande majorité de ma nourriture cachés au bord du lac et pars pour 10 jours de randonnée dans les montagnes environnantes. Partant du niveau de la rivière à 900m d'altitude, au-dessus des arbres, la randonnée promet ici d'être belle dans un paysage purement arctique.

Une (grosse) averse se prépare sur Gaedeke Lake...

... Mais ce sera l'occasion d'un panorama mémorable

Je m'éloigne ensuite peu à peu du lac pour explorer la haute vallée de la Killik. Cette vallée est intéressante car ses deux versants sont différents : le versant sud est très alpin, et le versant nord très doux, rappelant par moments nos belles Cévennes.

Ballade sur les crêtes

Haute vallée de la Killik

Haute vallée de la Killik

La Killik River coule, paisible, au fond de sa vallée
Ce jour-là, je réalise l'ascension du plus haut sommet de la vallée, à 2200m. C'est l'occasion d'un très bel itinéraire sur une crête assez effilée.


Vue du sommet. Un peu gris malheureusement... La lumière manque !

Le lendemain, je rejoins le plus haut sommet de la partie nord de la vallée, à 2000m. Il reste un petit glacier tout en haut...

Sur un des sommets surplombant la vallée, au nord, l'orage menaçant...
Contrairement à ce que montrent les photos précédentes, le soleil est au rendez-vous de cette première partie de voyage. Si les après-midi sont souvent parcourus d'averses, les matinées et nuits sont souvent limpides et l'occasion de lumières magnifiques.
Une partie du charme des lieux est d'ailleurs apportée par ces averses locales que l'on voit à des kilomètres et qui apportent au paysage un ton saisissant.

Nuages et éclaircies, vus de ma tente, en direction du fond de la vallée

Arc-en-ciel de minuit.

Lumière de minuit.

Mousses.

Vue de la haute vallée de la Killik depuis un sommet environnant.
Pour les trois derniers jours de cette randonnée, le temps devient franchement beau et chaud.
Je place mon camp au bord d'un lac somptueux pour rayonner dans les alentours.

Des montagnes, vers le haut et même vers le bas.
Je profite du soleil pour une promenade nocturne sur le sommet qui surplombe le lac (1600m).

Ombres et lumières lors de la montée au sommet.

Du sommet, la haute vallée. Il est minuit.

Minuit en panoramique.

Le lendemain matin, le lac, toujours parfait dans de nouvelles couleurs.

Lors d'une belle journée de randonnée sur les crêtes, je croise des hordes de caribous, qui semblent apprécier ces espaces de toundra (même si les photos sont prises un peu au-dessus de la toundra).


Caribou passant un col.

Encore des caribous

Il est maintenant temps de retourner au canoë.

Sur le chemin du retour.

L'ombre du voyageur au long cours...

Première partie de la descente de l'Alatna

Me voilà donc de retour au Gaedeke Lake où mes affaires n'ont pas été dérangées pour entamer la première partie de la descente, sous un grand soleil, toujours.

Au réveil, le nuage devant sa montagne.

Le premier jour sera plus du tirage de canoë que du canoë. Nous sommes aux sources de la rivière qui est ici un ruisseau plein de cailloux.
Le début se déroule d'ailleurs dans des marécages.

Dans les marécages...

Après une journée où j'aurai parcouru seulement 6km, je commence tout juste à pouvoir pagayer, mais l'avance reste très lente du fait des cailloux omniprésents et du faible niveau d'eau (normal ici).
La partie haute de la rivière comporte par ailleurs de nombreux rapides (classe 2) et des virages très serrés. N'étant pas un expert, cela m'oblige à sortir du canoë dans ces virages.

Pas beaucoup de photos de ces quatre premiers jours de descente, car la concentration est de mise !

Et un retournement... Mais sans conséquence, tout le matériel était bien attaché et il n'y a jamais plus de 60cm de fond !

Le canoë et la rivière, ici très caillouteuse.

Le canoë, dans son écrin.

L'aventure est belle.

Les quatre boites à ours du voyage.

Et toujours de superbes lumières le soir. Orange...

... Puis rouge.
Les ours restent très présents au bord de la rivière. Un soir, tranquillement en train de lire sous la tente, j'entends, vers 23h30 un "plouf". Je sors la tête de la tente et vois un ours noir partir en courant ! Une boîte est renversée et le canoë percé par une griffe !

J'arriverai à réparer mais je devrai chaque jour regonfler une partie du canoë toutes les 3 heures...

Pas de photos de l'événement.

Paysage classique au bord de la rivière : La "gravel bar"

Randonnée autour des Arrigetch Peaks

Après quatre jours de descente, je suis maintenant à une altitude de 300m au bord de la rivière. Il reste 170km de descente mais il n'y aura donc plus beaucoup de dénivelé.
Les arbres ont réapparus.

Je laisse une seconde fois canoë, nourriture et matériel au bord de la rivière et repars pour une semaine de randonnée, vers les Arrigetch Peaks, montagnes aux formes surprenantes et élancées.
J'y aurai, encore, un temps parfait.

Premières impressions des Arrigetch Peaks.
Le second jour, l'objectif est le sommet pointu au centre de la photo ci-dessous, nommé Ariel, culminant à 2000m :

Ariel et Xanadu, vus de la vallée

Vue panoramique du sommet

Les glaciers et les crêtes des Arrigetch

Toujours ces montagnes assez uniques

La vallée des Arrigetch

En m'éloignant un peu de la chaîne les jours suivants, je retrouve des formes plus rondes, qui offrent des panoramas superbes sur la chaîne des Arrigetch.

6h du matin. Les ombres et la Lune veillent sur les monts.

Doux nuage de fumée.

Arrigetch Peaks. Ils sont tous là.

On ne s'en lasse pas.

Ariel, au centre, lumineux.

Un petit air de Cervin.

Le voyageur au long cours devant toutes ces pointes.

Il est temps de retrouver la vallée et l'Alatna qui serpente.

L'Alatna, sublime.

Deuxième partie de la descente de l'Alatna

C'est reparti pour le canoë, sur une rivière maintenant large, profonde,... et très calme. On peut profiter du paysage, mais les sensations fortes du début ne sont plus là.

Une idée du chargement.

Lumière, nuages et rivière font toujours merveille.

Tout est là.
Je m'arrête ensuite une journée entière sur une sublime plage afin de gravir un petit sommet repéré depuis la rivière.

Le canoë se sent bien ici.

Plage de sable magnifique. Nous sommes bien au nord du cercle polaire, pas sous les tropiques.

En montant à ce sommet, l'Alatna nous montre tout son amour.

Un coeur...

...Et un autre.

La vallée, l'Alatna et le Takahula Lake, vus du sommet.
Après une longue sieste au sommet et juste en attaquant la descente, je croise deux randonneurs qui arrivent ! Ils s'avèrent être italiens et les propriétaires d'une "cabin" située au bord du lac. Ils m'invitent à les y rejoindre le soir.

L'Alatna, encore, toujours.
Le soir, nous passerons un bon et long moment autour d'un thé à discuter de l'exploration des Brooks Range, et de nos nombreuses randonnées ici ou ailleurs.
Il y a quelques "cabins" de ce type dans le parc, le plus souvent au bord de lacs pour pouvoir y accéder en hydravion. Leurs propriétaires sont bien chanceux !

Francesco et Helena devant leur "cabin"

Changement de temps et de décors ensuite... Après cette journée, qui restera certainement comme la plus belle du voyage, je sors en deux jours, progressivement, de la montagne. Le temps se grise par la même occasion.

Dernières bosses et nuages bien accrochés.

La montagne est maintenant derrière moi, sous une éclaircie bienvenue.

Le paysage devient ensuite plat, la rivière est très large, entourée par la forêt boréale.
La nuit refait aussi doucement son apparition, il y a maintenant 2 heures assez sombres entre 1h et 3h.

Quand le temps est gris, les lieux sont d'une indépassable tristesse... Pire que la plaine de l'Ain (presque).

Mais quand les éclaircies sont là, la lumière de l'Arctique illumine le paysage.

Dernier bivouac

Dernier bivouac

Dernier bivouac

A 15km du village d'Allakaket, je rencontre Harding et un de ses amis du village. Ils sont partis chasser l'élan. Ils m'invitent pour le café dans leur petite cabin au bord de la rivière.

Harding et son "compagnon"

Allakaket

Quelques heures plus tard, à la confluence de l'Alatna et de la Koyukuk, apparait Allakaket. Après 28 jours, l'aventure sauvage se termine ici.

Allakaket est un village athabascan (population proche des inuits) de 104 habitants, non relié à la route, mais qui, comme Bettles, possède un aéroport avec deux vols par jour pour Fairbanks.

Allakaket. Je suis arrivé.

Très rapidement, je rencontre du monde et le soir, Jonathan et sa mère m'invitent à rester chez eux. La soirée est très sympathique.

La maison où je dors.

La maison de Jonathan.

La Poste.

Le magasin.

Le lendemain, quatre habitants reviennent d'une chasse plus en amont sur l'Alatna avec un élan. Une importante célébration (potlatch) est en effet prévue dans 10 jours et les hommes s'affairent à la chasse.
La découpe commence alors avec toute la famille de Jonathan et nous aurons droit, le soir, à un barbecue 100% élan, copieux et délicieux dans une ambiance formidable.

La soeur de Jonathan, découpe de l'élan.

La tête de l'élan.

Morceaux en train de sécher.

Jimmy et Jonathan.

L'heure du départ pour le petit aéroport d'Allakaket est arrivée. Je quitte avec regret ce village et cette famille si accueillante. Il est bon de rencontrer une population si attachée à son territoire et à sa nature. Un moment très fort après 1 mois en solo !

Jonathan sur son quad, et avec mon bidon à ours, m'emmène à l'aéroport.

L'avion qui me ramène à Fairbanks

L'aventure dans les Gates est terminée. Elle fut belle, riche, exceptionnelle, vécue sous le soleil et dans les montagnes les plus sauvages d'Alaska, qu'il faudra encore visiter dans quelques années, sur une autre rivière. Car là-bas, l'exploration n'est jamais finie.

Enfin, merci infiniment à Camille et Vincent pour les informations météo si précises et précieuses... Et annonçant souvent du soleil !

Merci mon alter-grosse pour tes si doux messages qui me rendaient ces montagnes encore plus belles.